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« Alexandrine Trottier : cultiver l’avenir, une récolte à la fois »


Une femme devant ses plants de tomates
Alexandrine dans la serre

Une relève qui ne tient pas en place

Je suis allée à la rencontre d’Alexandrine Trottier, une jeune relève agricole qui ne tient pas en place! Elle jongle entre la ferme familiale et son emploi chez Logiag comme conseillère en agroenvironnement. Il y a environ 5 ans, la ferme familiale s’est spécialisée dans les plants de légumes de jardin pour les pépinières, les framboises et les tomates cerises de toutes les couleurs et de toutes les formes. Avant, la production était plus diversifiée avec des choux, des choux-fleurs et des pommes par exemple, mais le manque d’eau, l’utilisation de pesticides, l’augmentation du prix des terres et la fluctuation des prix leur ont fait revoir leur stratégie d’entreprise. Aujourd’hui, Alexandrine a fièrement repris le rôle de son grand-père sur la ferme familiale en s’occupant de la mise en marché des produits.


Entrevue avec Alexandrine Trottier

Pour commencer, veux-tu nous parler de ton parcours scolaire et professionnel qui t’a menée à être la relève agricole sur la ferme familiale?


Je me suis toujours impliquée dans la ferme familiale. J’aurais pu choisir de faire un DEP ou une technique en agriculture après le secondaire, mais je n’étais pas prête à aller sur le marché du travail tout de suite. Je voulais suivre un parcours plus « conventionnel ». Donc, à 17 ans je suis partie faire mon cégep en Sciences naturelles à Montréal. Après le cégep, j’ai poursuivi au baccalauréat en Génie agroenvironnemental à l’Université Laval, ce qui m’a permis d’être candidate à la profession d’ingénieure (CPI) et agronome. Entre-temps, j’ai obtenu mon permis de conduire de classe 3 pour conduire le camion de la ferme pour faire les livraisons. À la fin de mon baccalauréat, j’ai commencé un emploi chez Logiag comme conseillère en agroenvironnement. Logiag me permet d’avoir un horaire pour travailler à la ferme familiale avec mon père en même temps. J’ai un horaire bien rempli, mais que j’aime!


Combiner travail et ferme

Comment combines-tu ton travail à la ferme et ton emploi chez Logiag?


Quand je travaille chez Logiag, je fais ma journée de travail. Puis, je rentre chez moi prendre le camion et me diriger vers la ferme récupérer les produits et ensuite aller à la place des producteurs qui se situe au marché Pie-IX.


Les journées que je ne travaille pas chez Logiag, j’arrive à la ferme le matin pour entretenir nos champs et nos serres, récolter, emballer les produits, effectuer les livraisons et ensuite me rendre à la place des producteurs.


Un horaire sur l’année

Si tu devais présenter ton horaire sur une année à un passant dans la rue, comment l’expliquerais-tu en quelques mots ?


De février à avril, je travaille quatre jours chez Logiag tout en travaillant aux semis de plants de légumes pour les pépinières et à l’entretien des serres. C’est dans cette période que nos travailleurs étrangers arrivent.


Le mois de mai est intense. Je le consacre entièrement à la ferme. On vide les serres des plants de légumes. Mon père est sur la ferme avec nos travailleurs pour planter, arroser, entretenir la ferme et préparer les commandes que je livre à nos clients.


De juin à octobre, je travaille trois jours par semaine chez Logiag et les autres journées ainsi que le soir je travaille à la ferme. Je continue les livraisons chez nos clients et à la place des producteurs. Je ne prends pas beaucoup de pauses!


De novembre à janvier, c’est plus relaxe, sauf quand on a des projets comme construire une serre! On se dépêche à l’automne après le départ des travailleurs étrangers pour la construire le plus vite possible et finir au printemps avant le début de la saison. Sinon, c’est la période pendant laquelle j’en profite pour me reposer et travailler plus chez Logiag.


La mise en marché des produits

Peux-tu nous expliquer comment vous vendez vos produits?



Récolte de framboise
Une fière récolte!

Pour les plants de légumes, on vend directement à nos clients : pépiniéristes, supermarchés et petits kiosques. C’est une clientèle assez stable, même si on en perd et on en regagne tout le temps.

Pour les framboises et les tomates, on a nos clients réguliers qui se rendent à notre emplacement au marché Pie-IX à Montréal. C’est vraiment un monde à part! La place des producteurs est un marché de nuit pour la vente en gros. Le marché commence vers 21h ou 22h et se termine vers 6h ou 7h le lendemain matin. Mais quand on rentre là, c’est comme le jour. Les gens mangent leur lunch à 2 heures du matin et c’est normal. Je l’ai fait la nuit complète pendant deux ans, mais maintenant j’y vais le soir et un autre vendeur s’occupe de notre emplacement après mon départ. Certains clients y récupèrent leur commande. Je fais aussi d’autres livraisons le jour à des clients directement.


On vend aussi à des grossistes. C’est certain que le prix et les quantités sont différents, mais l’avantage c’est que le grossiste gère le reste de la mise en marché. Par exemple, il revend aux épiceries.

On a plusieurs façons de vendre, parce qu’on ne met pas tous nos œufs dans le même panier. On perd et on gagne des clients tout le temps, mais ça finit par s’équilibrer.


Vendre au marché des producteurs

Comment se passe la vente au marché des producteurs?


La vente au marché c’est une « game » comme on dit. J’essaie de vendre ce que j’ai, mais toujours selon le prix qui fluctue. J’appelle d’autres producteurs pour voir à combien ils veulent vendre. Ça me permet de mieux négocier le prix avec les clients pour qu’ils soient contents, mais aussi pour que la ferme puisse être rentable. C’est difficile, mais nos produits ont moins tendance à être impactés par le marché. Les plants de légumes ont un prix fixe pour la saison. Les framboises sous tunnel arrivent avant la majorité des autres framboises et il n’y a pas beaucoup d’autres producteurs de tomates cerises variées comme on fait.


Défis et fiertés

Quel est le défi que tu as relevé et dont tu es la plus fière?


Le marché est un monde d’hommes. Moi, je suis une femme… La première année, je me faisais moins prendre au sérieux. Il faut faire ses preuves avec le temps sans perdre patience. Et maintenant, ça va bien avec les clients. Au début, les clients ne te connaissent pas. Ils te disent des niaiseries et des blagues tout le temps. J’ai fini par m’habituer et j’ai réussi à faire ma place!


Les tâches préférées et celles à déléguer



Une femme qui conduit un camion de livraison
Une femme au contrôle

Quelle est LA tâche qui te fait le plus plaisir? Et celle que tu donnerais assurément à quelqu’un d’autre si tu pouvais?


J’adore la conduite de tracteurs ou de mon camion, la relation avec les clients et la vente. C’est difficile de choisir! Cependant, si le marché n’était pas que de nuit, je ferais que ça de ma vie! Quand je fais une belle vente, je suis vraiment satisfaite!


Ce n’est pas une tâche que j’aime le moins, mais la chaleur. Quand il fait vraiment chaud, on devient fatigué rapidement et on est moins productif. C’est moins agréable de faire les tâches au champ, dans les serres et dans les tunnels.


La durabilité à la ferme

Comment gérez-vous la durabilité sur la ferme?


Mon père veut me laisser quelque chose qui a du sens. C’est pourquoi il a toujours travaillé à favoriser la santé du sol en l’enrichissant et en faisant des rotations de cultures. Par exemple, la parcelle qui va être en tomates la saison suivante est toujours en engrais vert avant. Mon père a aussi changé les cultures au fil du temps pour limiter la négociation des prix et l’arrosage de pesticides. On utilise encore des pesticides, mais beaucoup moins. Parfois, on choisit de perdre un peu de framboises et de tomates plutôt que d’appliquer des pesticides. On fait attention à notre environnement et on est à l’affût des nouvelles technologies plus vertes. On se départit de notre plastique de la meilleure façon possible.


Puis pour le côté humain, on adapte le rythme de travail quand il fait chaud pour garder tout le monde en forme le plus possible. Mon père et moi nous alternons pour prendre congé et nous reposer un peu.


Une petite communauté

Quel est l’impact de la ferme dans ta communauté?


La ferme est une petite communauté. On a huit travailleurs étrangers qui habitent à la ferme environ huit mois par année. On a vraiment une belle ambiance de travail à la ferme! Ce ne sont pas des amis, car ils restent des employés, mais en leur parlant, on s’aperçoit qu’on est importants pour eux. Pour nous aussi ils sont importants. Sans eux, on n’y arriverait pas et on ne pourrait pas faire ce qu’on fait.

Nos travailleurs étrangers parlent en espagnol. J’ai grandi en entendant la langue, donc au fil du temps j’ai commencé à le parler. J’ai eu des cours à l’école en espagnol pour m’aider. Aujourd’hui, on parle avec nos huit travailleurs mexicains tous les jours en espagnol. Je crois que c’est à nous de faire notre bout de chemin et de parler leur langue. Les travailleurs doivent s’adapter à leur nouvel environnement qui est loin de leur famille.


Conseils aux jeunes

Une femme devant sa production
Un travail acharné!

Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui veut se lancer en agriculture?


Mes conseils s’appliquent en agriculture, mais aussi partout dans la vie!

Il faut être patient, parce que ça peut être long pour bien réussir ce qu’on entreprend.

Comme dans n’importe quel monde, il y a des gens qui vont te donner des conseils, mais aussi d’autres personnes qui vont te décourager. Il ne faut pas écouter les gens qui te tirent vers le bas, mais plutôt écouter les personnes qui te poussent vers le haut.


Anecdotes agricoles et moments de vie


Mon grand-père raconte tout le temps cette histoire-ci. Dans les années que j’allais au marché avec lui et que c’était moi qui conduisais, il s’assoyait à côté de moi. On arrêtait déjeuner en revenant du marché. Je descendais du camion et il restait dans le camion pour regarder autour. Les gens me regardaient. Puis, il descendait du camion. Les gens lui demandaient : « C’est elle qui chauffe? » Il répondait : « Oh oui, oui! Elle a 14 ans, mais elle chauffe super bien! » Là, les gens regardaient et ils n’étaient pas sûrs… Évidemment, mon grand-père faisait une blague. Je n’avais pas 14 ans et j’avais mon permis pour conduire le camion.


Et pour l’avenir?


Je veux une famille et je veux l’élever sur une terre, que ce soit sur celle à mon père ou sur une autre, un peu comme mes parents ont fait avec mon frère, ma sœur et moi. J’aimerais reprendre la ferme familiale. On verra ce que l’avenir me réserve!


Une inspiration pour l’agriculture de demain


Ce sont des femmes comme Alexandrine que le projet O’Champ les filles! veut promouvoir. Avec sa patience, sa passion et sa motivation, elle a su faire sa place dans un monde d’hommes malgré son jeune âge. Elle aide à démontrer que chaque femme en agriculture contribue à façonner l’agriculture de demain. Par la découverte de modèles de femmes fortes et passionnées, nous souhaitons encourager les jeunes femmes à croire en leur potentiel et à réaliser leurs rêves.


Audrey-Anne

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