Rencontre avec Véronique Mathieu, une jeune agronome passionnée d’agriculture
- Audrey-Anne Lacasse

- 7 nov.
- 7 min de lecture
J’ai eu la chance de rencontrer Véronique Mathieu, une jeune femme aux nombreuses passions! Bien que sa profession d’agronome soit le centre de sa vie, elle continue d’aider sur la ferme laitière familiale la fin de semaine. Elle maintient ainsi un lien avec les vaches qu’elle affectionne particulièrement, mais ses visites à la ferme familiale lui permettent de rester en contact avec le quotidien des producteurs laitiers. Cet élément est important pour sa profession afin de bien comprendre le producteur et de pouvoir discuter avec lui de la réalité. L’espace d’une conversation avec Véronique m’a permis de lever le voile sur son horaire bien rempli.
Un parcours inspirant : de la science à l’agronomie
"Veux-tu me parler de ton parcours personnel et professionnel?"

Je suis une fille qui aime apprendre et aller à l’école. Au secondaire, à la fin de la journée, je descendais de l’autobus et je me dirigeais tout de suite vers l’étable. Puis, j’ai commencé un DEC en Sciences de la nature en ne sachant pas exactement ce que je voulais faire dans la vie, mais en voulant m’ouvrir les portes pour la médecine vétérinaire ou l’agronomie. J’avais déjà dans la mire d’aller à l’université. J’ai bifurqué vers la technique en Santé animale. Pendant ma technique, je travaillais dans une clinique vétérinaire pour chats et chiens, ce qui m’a permis de constater que les conditions de travail d’un vétérinaire ne m’intéressaient pas. J’ai donc opté pour le baccalauréat en agronomie dans le profil animal de l’Université Laval. Grâce à ma technique, j’ai pu terminer mon baccalauréat en 3 ans au lieu de 4. J’ai terminé mes études à distance en raison de la pandémie. Je pouvais étudier de chez moi et être à proximité de la ferme en même temps. J’ai obtenu mon premier emploi chez Lactanet en recherche et développement dans le confort et le bien-être animal, des sujets qui me passionnent! Le concept de recherche et développement est un peu comme être aux études : c’est beaucoup de lectures! Par contre, il me manquait l’aspect terrain que j’ai obtenu en travaillant chez Logiag. J’ai encore un emploi comme technicienne en santé animale, j’aide sur la ferme laitière familiale et j’ai mon élevage de lapins d’exposition, mais ma profession d’agronome est ce qui m’occupe le plus.
Un horaire bien rempli
"Si tu devais présenter ton quotidien à un passant dans la rue, comment l’expliquerais-tu en quelques mots?"
Une semaine typique commence par 40 heures de travail chez Logiag que j’essaie de faire en 3 ou 4 jours. Je consacre mon jeudi à l’Hôpital vétérinaire de la Seigneurie de Terrebonne. Je complète ma semaine chez Logiag le vendredi matin si je n’ai pas fini au début de la semaine. Le reste de mon vendredi est consacré à mes lapins. Enfin, j’aide sur la ferme laitière familiale la fin de semaine.
L'art de jongler avec ses passions
"Comment fais-tu pour jongler entre toutes tes passions?"
Une étape à la fois! Ma journée se termine quand je finis ce que je voulais faire. Certaines journées finissent plus tard que d’autres… Tout est très structuré dans ma vie et c’est d’ailleurs ma grande fierté : je réussis à coordonner toutes mes passions en 7 jours par semaine et 24 heures par jour. Je n’ai pas encore eu de choix à faire. Je suis capable de gérer mon horaire pour profiter de toutes mes passions et à ménager du temps pour les personnes que j’aime.
Ses passions: quatre mondes, un même amour du vivant
"Veux-tu me présenter tes passions?"
Logiag : l’agronomie de terrain

Ma profession d’agronome m’amène à visiter des producteurs et les conseiller sur leur régie d’élevage. Selon les demandes des producteurs, je peux passer certaines journées à me renseigner sur des solutions alternatives ou les nouvelles pratiques. Je réalise un volet recherche et développement chez Logiag sur les nouvelles pratiques en régie d’élevage. Aussi, je soutiens le programme des Fermes Laitières Engagées qui aide les producteurs à modifier leurs pratiques dans le but de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Concrètement, je développe le lien entre ces nouvelles pratiques et l’aide agronomique que nous pouvons apporter aux producteurs. J’aide également mes collègues du secteur végétal dans la collecte de données au champ par exemple.
Clinique vétérinaire : entre soins et apprentissage

À la clinique vétérinaire, je peux porter 3 rôles. À la réception, je réponds au téléphone et j’accueille les clients. Lors des consultations vétérinaires, je demande les raisons de la consultation et j’évalue l’état de santé de l’animal préalablement à l’examen du vétérinaire. Enfin, j’assiste le vétérinaire qui effectue les chirurgies, principalement des stérilisations de chats et chiens. Je prépare l’animal et je m’assure que tout se déroule bien.
Les connaissances et l’expérience que j’acquiers à la clinique vétérinaire me suivent partout, car, au final, un animal et un humain ne sont pas si différents. Ces connaissances m’apportent une vision différente dans mon emploi d’agronome puisque j’allie agronomie et santé animale. Toutefois, je ne peux pas faire de recommandations en santé animale étant donné que je ne suis pas vétérinaire, mais je peux penser à des solutions moins communes. Je peux aussi appliquer certaines de mes connaissances en termes de santé et de traitement préventif à mon élevage de lapins.
Ferme familiale : l’héritage du Caribou
La ferme Caribou est une ferme laitière qui existe depuis 1867. Ma sœur, la relève de la ferme, et moi-même sommes la 8e génération. Mon grand-père vient encore aider sur la ferme. Nous produisons un lait de qualité avec des vaches Holstein pur sang enregistrées. Nous visons la perfection à la ferme! Lorsque mon père a repris le troupeau, il avait 35 vaches et nous sommes rendus aujourd’hui à 185 vaches et 300 kg de quota.. Nous utilisons les technologies pour suivre l’état de santé des vaches, pour effectuer les traites et pour nourrir les animaux. D’ailleurs, l’intelligence artificielle nous aide à détecter les boiteries rapidement en reconnaissant les vaches par leur patron unique de taches. Tout est filmé dans l’étable, donc je suis capable de suivre le troupeau de chez moi! Maintenant que nous avons atteint des standards élevés de qualité et de productivité dans l’étable, nous sommes rendus à perfectionner le travail au champ.
Pour ma part, j’affectionne le contact avec les animaux. Notamment, je suis une des personnes clés de la ferme pour rendre un avis sur les blessures ou les accidents. Mon souci pour l'état de santé des animaux me permet de donner plusieurs soins tels que l'administration de solutés intraveineux et les prises de sang chez les vaches et les veaux. La fin de semaine, c'est aussi le grand nettoyage des abreuvoirs. Une fois nettoyés, n’importe qui pourrait boire dedans. Un environnement propre favorise la productivité de nos vaches.
Élevage de lapins : entre passion et perfection

Nous avons toujours eu des lapins à la ferme. Un jour je me suis demandé : si nous avons des vaches pur sang, pourquoi ne pas avoir des lapins pur sang? J’ai commencé avec un lapin, deux lapins, puis vingt lapins. Mon but initial était l’autosuffisance alimentaire. Maintenant, mes lapins sont pour l’exposition. Mon élevage de lapins, Clapier Petit Pas, est pour mon plaisir. J’ai aujourd’hui trente lapins environ parce que je veux qu’ils aient une belle qualité de vie. Plus j’en ai et plus ça me demande du temps. Tous mes lapins sortent dans un enclos extérieur une fois par semaine pour se dégourdir les pattes et me permettre de vérifier leur état de santé. D’un autre côté, un petit élevage est restreint génétiquement. J’ai moins de choix pour reproduire mes lapins et améliorer la génétique de ma lignée. Mes lapines ont une portée ou deux par année et les lapins que je ne garde pas se retrouvent dans d’autres élevages ou dans des familles comme animal de compagnie.
J’élève deux races de lapins. Le Bélier hollandais est un petit lapin de 4 livres et moins alors que le Bélier français est un gros lapin de 13 ou 14 livres et plus. Mes lapins ont un tatou permanent dans l’oreille gauche qui est relié à leur arbre généalogique, leurs antécédents et leur poids. Ce tatou permet entre autres de les reconnaitre lors des expositions. Je les élève pour leur conformation : leur aspect esthétique doit être parfait quand je les présente dans une exposition. La longueur des oreilles, le poil, les griffes, l’arche du dos, la largeur de la tête et l’alignement des dents doivent être conformes aux critères de leur race. C’est tout un travail de génétique! En plus, les lapins doivent être très gentils pour se laisser manipuler, car les juges examinent tout l’animal. Je dois souvent aller aux États-Unis pour acheter de nouveaux lapins et pour participer à des expositions parce qu’il y a peu d’éleveurs au Québec. Toutefois, c’est très amical au Québec. On s’entraide et on se donne des conseils. Quand quelqu’un gagne, on le félicite.
Je fais partie du conseil d’administration de l’Expo Rive-Nord qui est une exposition agricole. J’organise l’exposition de lapins : trouver des juges intéressants qui proviennent généralement des États-Unis, monter la programmation, recevoir les inscriptions des exposants et aller chercher les juges à l’aéroport. C’est une belle occasion de réseautage et pour en apprendre davantage sur les différentes races de lapins!
Être agricultrice aujourd’hui
"Quelles sont les qualités requises pour devenir agricultrice aujourd’hui?"
Il faut avoir la passion de l’agriculture et être en paix avec le fait d’avoir un horaire chargé. Si tu es capable de vivre sereinement avec un horaire chargé la plupart du temps, alors ça va bien aller.
Un conseil pour la relève agricole
"Quel conseil donnerais-tu à une jeune qui veut se lancer en agriculture?"
Je lui dirais : va prendre de l’expérience! Les gens en agriculture sont vraiment ouverts à partager leurs connaissances et faire valoir leur milieu. Il faut poser ses questions et travailler dans le milieu comme employée ou bénévole.
L’avenir entre bien-être animal et innovations
"Et pour l’avenir?"

Le confort et le bien-être animal vont guider mes choix professionnels. Ce sont des sujets qui me tiennent à cœur et qui doivent être bien véhiculés. Les changements climatiques jouent sur le confort et le bien-être animal qui à leur tour affectent la productivité des vaches. Je souhaite poursuivre mon cheminement pour aider les
producteurs dans ce domaine. On ne sait pas ce que l’avenir me réserve. Peut-être que je vais retourner sur la ferme familiale plus régulièrement?
Véronique, une inspiration pour les filles de demain
Véronique est une jeune agronome qui incarne le projet O’Champ les filles! dans les différentes sphères de sa vie. Elle démontre qu’une jeune femme déterminée peut parvenir à réaliser plusieurs passions, mais qu’il faut être consciente des changements que la vie apporte et se laisser entrainer vers la nouveauté. L’agriculture se façonne par les nombreuses initiatives, dont certaines sont menées par des femmes comme Véronique. Le projet O’Champ les filles! souhaite inciter des jeunes femmes à s’intéresser aux métiers en agriculture et à croire en leur potentiel à contribuer à l’agriculture de demain.
Audrey-Anne


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